En mai 2013, j’ai déposé une pétition à l’Assemblée nationale pour qu’on considère l’idée d’arrêter de changer l’heure deux fois par année. Elle avait été signée par 8228 personnes. J’avais reçu une réponse le 12 juin 2013 du ministre de la Santé qui concluait que: « De façon générale, à la lecture des différentes études qui portent sur la question, on constate que les arguments de nature économique s’opposent à ceux reliés à la santé. […] Que ce soit pour des raisons environnementales, économiques ou de santé, l’état actuel des connaissances ne nous permet pas de démontrer que les avantages reliés à l’abolition du changement d’heure soient suffisamment importants pour compenser les désavantages de le maintenir. »
Deux fois par année, on me contacte pour savoir si quelque chose a changé dans ce dossier. Car les choses bougent: l’Union Européenne a demandé aux pays européens de se pencher sur la question afin de décider s’ils continueront à changer l’heure ou s’il est préférable de l’abandonner. Au Canada, le Yukon a eu une participation record à sa consultation publique et a opté pour l’heure d’été en mars dernier. Au Canada, avec la Saskatchewan, le Yukon ne sera donc pas concerné par le changement d’heure cet automne. Au Québec, je rappelle que la Basse-Côte-Nord conserve l’heure d’été, mais que tout le reste de la province devra ajuster ses horloges dans la nuit de samedi à dimanche, car rien n’a changé.
Si ce jeu de yoyo est normalement bien supporté par la majeure partie des Québécois, cette année, en pleine pandémie, j’ai l’impression que le changement d’heure nous fera un peu plus mal. On est déjà fatigués, on est déjà stressés, on ne dort pas si bien.
D’où ça vient?
Au Québec, en 1920, les municipalités décidaient par référendum. Ainsi, Sherbrooke fut la première ville en 1924 à changer l’heure. Entre Magog et Sherbrooke, il y avait donc un décalage horaire! Montréal vota en 1928 pour utiliser l’heure d’été. En 1940, le gouvernement fédéral décréta comme mesure de guerre d’utiliser l’heure avancée TOUTE L’ANNÉE afin d’économiser l’énergie. En 1945, à la fin de la Deuxième guerre mondiale, on revint aux choix des municipalités. Ce n’est qu’en 1971 que le gouvernement québécois impose une loi pour la province, à l'exception de la Basse-Côte-Nord.
La fameuse économie d’énergie
Pendant la Deuxième guerre mondiale, l’heure d’été permettait d’économiser l’énergie. Étant donné que notre éclairage consomme beaucoup moins d'électricité et que notre consommation a beaucoup changé (nos différents écrans sont ouverts à toute heure du jour, peu importe la lumière extérieure), cette économie n’est plus aussi vrai. Hydro-Québec ne s’est pas penché sur la situation québécoise, mais un rapport du sénat français concluait déjà en 1997 que: « Il ressort de l'ensemble de cette étude que les avantages annoncés ou attendus du changement semestriel de l'heure ne sont pas suffisamment importants pour compenser les inconvénients ressentis par les populations. »
Les inconvénients
Selon le professeur Charles Morin de l’Université Laval, 25% à 30% de la population québécoise souffre d’insomnie occasionnelle, et 10 % en souffre de façon chronique. Évidemment, le changement d’heure ne facilite pas la vie de ces personnes. Les conséquences d’un manque de sommeil sont nombreuses: fatigue, irritation, stress, mal de tête, maux d’estomac.
Selon une étude d'un chercheur de Vancouver, il y a un lien au Canada entre le changement d’heure du printemps qui augmente de 8% le nombre d’accidents sur la route, à cause de la perte de sommeil.
Lors du changement d'heure à l'automne, le nombre d'accidents augmentent de 16%, selon une étude de la société d'assurance de la Colombie-Britannique, publiée en 2013. Même si nous "gagnons" une heure et devrions donc être plus reposés, plusieurs personnes profitent de ces heures pour allonger leur journée au lieu de dormir une heure de plus, ce qui occasionne une plus grande fatigue et davantage d'accidents sur la route.
De plus, au printemps, le changement d’heure augmente de 5% le nombre d’infarctus dans la semaine suivante, parce que les gens dorment une heure de moins.
Si on gardait l’heure d’été…
J’ai beaucoup aimé l’étude faite la London School of Hygiene and Tropical Medicine qui montrait que les enfants de 8 à 11 ans sont plus actifs en soirée, entre 17h et 20h. Comme les parents hésitent à les laisser s’amuser dehors quand il fait noir et plus froid, remettre l’heure normale les amène à faire moins d’activité physique en hiver. Les enfants pourraient donc rester actifs plus longtemps en gardant l'heure d'été.
Garder l’heure d’été à l’année permettrait d’éviter des accidents, des infarctus, des troubles de sommeil. Je ne crois pas que cela aurait d’impacts majeurs sur nos relations économiques pour les quatre mois où nous serions en décalage horaire avec nos voisins.
Je compare souvent le changement d’heure à un caillou qui s’est égaré dans ma chaussure. On continue de marcher, on s’adapte pour éviter d’écraser le caillou, on tente de le tasser sur le côté de notre soulier. Souvent, ça fonctionne et on continue sa route en l'oubliant jusqu’à ce que… Aille! La pointe du caillou revienne juste en dessous du pied, à cet endroit tendre où il réussit à nous irriter…
La Deuxième guerre mondiale a permis au Canada d’unifier sa politique de changement d’heure. Les gouvernements hésitent à utiliser le temps parlementaire pour se pencher sur des sujets mineurs, comme celui du changement d’heure. Et cela explique sans doute pourquoi, au cours des années, on est resté pris dans nos habitudes.
Peut-être que ça prenait une autre crise majeure pour qu’on se questionne sérieusement sur le statu quo. En tout cas, le gouvernement ontarien y songe. Et moi, je me remets à espérer qu’on s’arrête un instant pour enlever ce petit caillou qui traine dans nos souliers…
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