18 juillet 2020

L’argument du sourire

Le masque est devenu objet de polémique. On discute de sa pertinence, de son efficacité, de son inconfort. L’un des arguments contre son utilisation est qu’il masque le sourire. Je me suis sentie particulièrement interpellée. Car c’est un point qui mérite d’être expliqué plus attentivement.

Il y a quelques années, j’ai eu un choc en lisant une étude scientifique de chercheurs japonais, américains et canadiens sur notre façon, très culturelle, de lire les émotions dans les visages. Dans un article scientifique publié en 2007 et magnifiquement intitulé « Les fenêtres de l’âme sont-elles les mêmes à l’Est et à l’Ouest? » (ma traduction), les chercheurs en viennent à la conclusion qu’un Américain lit la joie, la peine, la surprise dans le bas du visage, alors qu’un Japonais (et plus largement les Asiatiques, d’autres études l’ont confirmé par la suite) regarde les yeux, les fenêtres de l’âme, pour détecter l’émotion de l’autre.

Mentionnons par ailleurs que les muscles autour des yeux sont beaucoup plus nombreux que ceux autour de la bouche, ce qui veut dire davantage de possibilités d’expression! Et c’est beaucoup plus difficile de « mentir » avec les yeux, ce que les Occidentaux savent très bien aussi: combien de fois un sourire ne m’a pas convaincu que la personne devant moi allait vraiment bien? À ce moment, j’avais probablement détecté une différence entre ce que je lisais dans les yeux de l’autre, malgré son sourire…

Cette attention aux yeux est visible jusque dans ce qu’on ajoute à nos messages: les Japonais ont beaucoup plus de variations d’émoticônes =^.^= (*^_^*) (*_*) (u_u) (@_@) que nous avec nos parenthèses et nos quelques lettres :) :( :p
Les émojis aussi jouent énormément sur les différentes expressions des yeux pour varier les émotions.
😄😂😆

En plus de l’habitude, les Asiatiques avaient donc un avantage quand le port du masque s’est généralisé autour du monde: ils savent déjà où regarder pour lire les émotions et le masque n’y changera pas grand-chose. Au vu de cette différence culturelle, je comprends pourquoi l’argument du sourire existe ici, même s’il n’est pratiquement jamais évoqué en Asie. J’attache moi-même énormément d’importance au sourire, que je pratique très souvent! (^_^)

Mais devant la possibilité de devoir rester terrée chez moi pour éviter de répandre davantage ce virus, je préfère nettement la distanciation physique et le port du masque qui me permettent de sortir. Et comme son efficacité est surtout prouvée pour protéger les autres, je le vois comme un acte de bienveillance envers ceux que je rencontre. Et la bienveillance est un argument qui pèse lourd. Bien davantage que mon sourire masqué qui, en attendant la fin de la pandémie, pourra facilement être lu dans mes yeux, je l’espère. d^o^b

2 commentaires:

Daniel Desjardins a dit...

Il ne nous reste plus qu'à apprendre à sourire avec les yeux !

Nomadesse a dit...

@Daniel: Excellente proposition!