J’ai lu plusieurs articles sur les multiples problèmes que causera le
confinement prolongé à l’intelligence menacée de nos enfants qui ne voient plus
leurs amis, à nos relations sociales qui ne se cultivent plus au travail ou à
notre communauté qui ne renforcera pas ses liens à travers les festivals
estivaux par exemple. Comme je lis plusieurs journaux et que j’écoute souvent la
radio, ces rapports dramatiques sur nos liens sociaux me dressent un bien sombre
portrait de notre avenir humain.
Pourtant, on gagnerait à faire un pas de côté pour regarder notre histoire. Les
sociétés humaines n’ont pas grandi dans des paradis favorisant les communautés.
Bien au contraire, il y a eu de nombreuses épreuves forçant toutes les
populations du monde à bouleverser leurs routines quotidiennes pour survivre.
Non seulement ce n’est pas la première pandémie à laquelle les sociétés font
face, mais dans les menaces extrêmes qu’a subi l’humanité, on doit aussi compter
les guerres (le 20e siècle n’en manque pas) ou les conditions climatiques
désastreuses (éruptions volcaniques, tremblements de terre, feux de forêt,
tempêtes de neige du siècle, etc.)
Les liens sociaux n’ont pas disparu pendant ces interruptions qui les ont
menacées. Au contraire, la « génétique » même de nos sociétés s’est
construite avec ces imprévus dramatiques. Nous sommes les descendants sociaux de
cette histoire faite de hauts et de bas. Ces crises ne défont pas les sociétés,
elles les forcent à se transformer en nous montrant le pire (CHSLD, mauvaise
gestion du matériel médical) et le meilleur (solidarité, innovation,
créativité).
Ça m’a rappelé une visite lors d’un cours en Islande. Le professeur avait amené
toute la classe dans un musée en plein air, un peu comme le Village acadien au
Nouveau-Brunswick. Là-bas, un guide nous avait fait visiter les maisons pour
nous parler de l’ancien temps. Dans la maison longue où s’entassait les familles
pendant le sombre hiver islandais, le guide n’avait pas caché que le confinement
obligatoire de ce temps-là était très difficile: il faisait noir, il faisait
froid et il y avait des tensions (parfois des abus). Mais il nous avait
également expliqué que c’est à cette époque que les gens s’étaient mis à parler
de leurs dieux, après le souper, en ajoutant des bouts pour pimenter les
histoires, transmettant de générations en générations ce qui allait devenir les
sagas qu’on admire encore aujourd’hui. Ces longs moments ensemble avait forgé
cette société insulaire.
En ce moment, nous sommes tous pris dans un long hiver où sortir dehors exige de
la préparation et des précautions. La tempête n’est pas terminée: par la
fenêtre, on voit la neige qui tombe encore et on soupire juste à penser au
chemin qu’on devra se creuser pour se rendre chez les autres.
Quand on lit les nouvelles autour du monde, on constate vite qu’on est pas mal
tous dans le même bateau. Toutes les économies ont ralenti, les frontières ont
été fermées, le tourisme est sur pause. La planète est une île.
Comment en sortirons-nous? Les sociétés n’auront pas disparu, nous aurons au
contraire encore plus envie de liens sociaux, comme quand le printemps se pointe
enfin le bout du nez. Et la crise nous aura fait voir le pire et le meilleur de
nos collectivités. Il restera à voir si on construira de meilleures sociétés
avec ce regard nouveau…
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