Une librairie chez laquelle je distribue mes livres depuis le début juin vient de me contacter pour m’annoncer que toutes les copies sont vendues et me demander d’apporter des exemplaires supplémentaires.
C’est la première fois que ça arrive et c’est un sentiment vraiment extraordinaire! J’ai vendu plusieurs copies par moi-même depuis le lancement. Mais cette fois, je ne sais pas qui sont les gens qui ont décidé de se procurer un exemplaire. Je ne connais pas leurs raisons, je ne sais pas s’ils ont déjà visité le Japon, je n’ai pas reçu leurs commentaires de lecture. C’est comme si mon livre était devenu grand. Je ne contrôle pas où il va, il fait son propre chemin.
D’abord, il y a le lent processus d’écriture et de relecture. L’écrivain connaît si bien chaque mot, le livre devient un ami, les liens sont très forts avec le résultat final. J’imagine que c’est encore plus intense lorsqu’on le monte soi-même puisqu’on y choisit la police, la photo, le design, etc.
Pourtant, même si le rapport entre l’écrivain et le livre est très intime, on doit lâcher prise. Le lancement! On laisse aller, les mots sont imprimés, on ne peut plus les changer. Des gens commencent à le lire et à apposer leurs goûts personnels sur ces mots. C’est un échange merveilleux. Tout ce qu’il me reste à faire, c’est observer les gens qui lisent mes mots.
Finalement, il y a une autre étape. Celle des librairies. Plus de la moitié des exemplaires imprimés ont été déposés sur les tablettes du Québec. Lorsque je suis sortie de chaque librairie, j’étais fière de les imaginer là, exposés au regard de tous, comme une réalisation supplémentaire d’un rêve réalisé (à plusieurs niveaux d’ailleurs : voyage et écriture!)
Mais non, le livre se transforme encore une fois. Il quitte les tablettes et s’en va ailleurs : chez les gens. C’est un peu comme perdre de vue un ami avec le temps.
Imaginez… Un livre qui se vend quelque part, c’est comme un amour dont on a perdu la trace. On se souvient de son nom, on a retrouvé des photos dans un vieux journal intime, ça nous ramène des anecdotes à son propos. Où est-il aujourd’hui? S’est-il marié? A-t-il des enfants qui lui ressemble? A-t-il bien vieilli? Garde-t-il, lui aussi, de bons souvenirs de cette époque?
Un livre qui se vend parce que quelqu’un, quelque part, a décidé de l’acheter, c’est un compliment, mais c’est aussi le début d’une histoire. Parce que je peux t’imaginer, lecteur invisible, avec ce livre dans les mains. Tu es comme l’amoureux de mes douze ans avec lequel j’ai rougi en dansant un slow au bal des finissants. Je peux me créer des histoires sur ce que tu tu es. Je peux imaginer ce livre partir avec toi en voyage et voir ce que je n’ai pas encore vu. Je peux craindre ton jugement et espérer t’avoir fait rêver.
Au revoir, Livre… Bienvenue, Lecteur. Je te souhaite tout le bien de notre monde.
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