Vivre ailleurs amène toujours des questions quant à notre façon de vivre. Jusqu’où va-t-on s’intégrer? Plus précisément: quelles seront les limites acceptables que l’on posera quand on arrivera aux différences entre la culture que l’on porte et celle où on évolue?
J’ai toujours trouvé qu’entre les façons de vivre québécoise et japonaise, il y avait des points communs. C’est facile de penser à enlever mes souliers en entrant dans la maison, je le fais chez nous, les enfants aussi. C’est une habitude.
Ce sont toutes les différences qui obligent l’adaptation.
Par exemple: les fenêtres, les murs, les portes laissent passer le son. On nous entend de l’extérieur (tout comme on entend l’extérieur). On sait quand les enfants écoutent la Pat Patrouille en français ou Hello Kitty en japonais. On ne peut ignorer quand ils se chicanent ou crient. Il faut vite tenter de tempérer les crises, qui deviennent publiques, même quand elles se passent dans les murs de la maison…
La gestion des déchets est un sujet sensible. Le Japon est un modèle à ce niveau. Le document de la ville de Kyoto avec les instructions sur la division des déchets et des différentes matières recyclables fait 32 pages, il est tout mignon pour ceux qui voudraient le voir… Il faut mettre le papier dans un sac et aller le mener dans un centre (dont j’ignore le lieu pour l’instant: merci à mon amie qui a pris mon sac dimanche dernier pour l’apporter au centre de son quartier!); le carton est mis à part, plié et attaché pour être donné à un petit camion qui passe dans le quartier à l’occasion avec de la musique typique; les cartons de lait doivent être découpés, lavés et retournés à l’épicerie; les bouteilles en plastique sont séparés de leur bouchon; les aérosols ont leur jour spécial; le plastique est surutilisé ici, on emballe vraiment trop!, mais on peut récupérer même les emballages de KitKat! Oh! Et pour le reste (déchets de nourriture, papiers souillés), il y a les déchets du mardi et vendredi qui iront à l’incinérateur.
Comprenez bien: les sacs utilisés sont transparents. On achète des sacs spéciaux de la ville de Kyoto et tout le quartier voit si vous ne respectez pas les règles. La seule conscience de ce regard est suffisante pour vous donner le goût de respecter les règles!
Cette impression d’être « visible » rend plus conscient quand on « choisit » de ne pas respecter les règles. Les Japonais supportent beaucoup de pression sociale quant à leurs comportements. Pour de bonnes raisons bien souvent: pour pouvoir vivre ensemble dans un espace réduit, pour l’hygiène dans les transports en commun, pour récupérer efficacement… Mais cette « obéissance » fortement suggérée s’applique à la moindre attitude et elle peut devenir épuisante pour plusieurs Japonais.
Quand vous êtes étranger, on ne s’attend pas à ce que vous sachiez toutes les « bonnes manières d’agir ». On soupirera si vous circulez à droite sur le trottoir, mais on comprendra… Mais d’autres règles ne pardonnent pas : ne pas savoir diviser ses déchets est une source de honte pour tout le quartier, ce qui explique mon étude attentive depuis une semaine!
Vivre dans un autre pays permet d’apprendre graduellement les règles de ce pays… Les règles, mais aussi les habitudes, les normalités… qui n’en sont pas toujours d’où l’on vient.
Un exemple? Il y a 12 ans, je trouvais libérateur de faire comme tous les Kyotoïtes et de faire du vélo sans casque. Vous me direz que c’est sécuritaire ici. Mais il y a 12 ans, je me souviens d’avoir été happée par un petit camion qui m’a fait un bon bleu au bras et j’étais aussi entrée en collision avec un jeune garçon à vélo. Le deux-roues n’est donc pas sans risque, même s’il est plus habituel qu’au Québec (et plus sécuritaire, oui).
Il y a huit ans, je faisais encore du vélo sans casque à Kyoto.
Il y a deux ans, j’étais encore tête libre.
La seule chose qui a changé en 12 ans, c’est que maintenant, pratiquement tous les enfants portent un casque ici. Mais je n’ai vu aucun adulte en porter un.
Sauf moi. Car je l’ai apporté dans la valise (comme trois paires de souliers car ils n’ont pas ma pointure!). Et je l’utilise. Même si je n’aime pas le mettre. Même si je détonne.
Parce que je suis venue « cultiver mon cerveau » en étudiant le japonais à tous les jours dans une école spécialisée. Ça coûte un bon montant pour le faire. Et je mettrais tout cela en danger pour faire comme tout le monde? C’est là que je parle d’un choix à faire entre l’adaptation et nos propres limites. Je peux expliquer, et réexpliquer, aux enfants pourquoi il ne faut pas crier ici, pourquoi il faut parler moins fort… Mais je ne peux plus rouler, en sachant que le 30 minutes que je fais matin et midi n’est pas de tout repos sur les routes de Kyoto.
Bof, non. Sur ce sujet, ma limite d’adaptation a été atteinte.
Pour le reste, je respecte le volume et je sépare bien mes déchets, je vous le jure! ;)
2 commentaires:
Ah, les Japonais et les déchets! Et la pression sociale! J'ai un ami qui vit à Osaka depuis 3 ans. Il soupçonne qu'un couple de son immeuble l'utilise comme excuse pour être laxiste dans leur propre séparation des déchets, en sachant que ça passera sur le dos du gaijin. Ça fait 6 fois qu'il trouve le guide de séparation des déchets glissé sous sa porte (message subtil) O.o
Toujours aussi passionnant de lire vos aventures! Bonne chance et bon courage pour les cours de Japonais!
Oh! Ça c'est bas! Toute une anecdote en plus! Je la retiens! ;)
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